vendredi 3 octobre 2008

De la communication


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L'enseignement et la formation sont des métiers de communication. Par rapport à ce qui est conçu comme tel dans les systèmes des écoles d'Europe, nous savons à Ur que le domaine en est beaucoup plus large.

Tout passage d'information d'une personne à une autre est communication ; mais en même temps la communication est création d'espaces communs et de rapports. De ce fait, la force, la violence et la domination font partie du monde de la communication. Même et surtout si cela est nié ou voilé. De ce fait, la science qui étudie l'efficacité de la communication se doit de poser des problèmes très différents. Le premier problème est celui de la réception et de la compréhension du message ; le deuxième de l'interprétation, tant du message que de l'acte de communication. Le troisième est celui de l'efficacité. Cette question se pose dans toute communication finalisée, c'est à dire poursuivant un objectif qui n'est pas à priori celui du récepteur des messages, mais de l'émetteur.

Le problème de la réception est d'ordre technique, et celui de la compréhension relève du décodage.

Mais l'interprétation part déjà beaucoup plus de la mondéité propre à la personne qui le recoit. En effet, l'interprétation est aussi une prise en charge globale du message mais aussi des conditions de son émission. Par exemple, demander du feu peutêtre une façon d'aborder quelqu'un. De même, une approche peut être vécue comme hostile ou méprisante quand il s'agit de conseils.

La communication finalisée est l'émission de messages pour obtenir certains effets visés. Cela peut être l'acquisition de compétences, la réalisation d'actions, etc.
La manière la plus simple de réaliser cette communication est l'ordre. Quand je donne un ordre, et qu'il est exécuté, la situation ressemble fortement à la situation physique de la causalité : je sais que pour ouvrir une porte fermée à clé, je dois utiliser telle clé ; ou que pour déplacer tel objet, je dois déployer une certaine force, etc. Un être animé tué à la chasse devient ainsi un objet physique au service de mon entéléchie. La puissance que j'exerce alors est absolue ; d'un être animé, j'ai fait une chose. Chez un être pervers, la jouissance de cette puissance est la racine du sadisme et du meurtre gratuit.

Mais en tuant je perds les services que peut rendre un être animé. C'est pour cela que la contrainte violente, le dressage et l'esclavage visent à faire d'un être animé un outil animé. L'outil est ce que je peux mettre au service de mon entéléchie pour démultiplier ma capacité à l'atteindre, à la réaliser. Dans un cadre disciplinaire, le dressage humain vise à faire d'hommes de bonnes machines de guerre.

Dans la communication éducative, ou entre adultes, il est question de former des êtres autonomes ou de respecter l'autonomie des autres. La communication finalisée avec un tel objectif ne peut pas être un dressage qui serait contraire à l'objectif visé. Par ailleurs, cette communication est pensée en l'absence de véritable rapport de force pour être véritablement telle qu'elle doit être pensée pour la bien comprendre. En l'absence de rapport de force, il faut fournir à autrui des motifs d'agir comme on le souhaite voir agir. C'est pour cette raison que la question de la motivation des élèves dans le système éducatif monte comme une marée alors que par le système l'enseignant est toujours plus désarmé. De la même manière, dans une civilisation patriarcale, il est très peu utile de savoir séduire, motiver à une relation une partenaire pour un homme ; cela devient une question cruciale avec le retrait de la force des rapports hommes-femmes.

L'école de Palo Alto insiste sur les paradoxes qui naissent de la communication de ce type. Ainsi, l'ordre « sois spontané! »! Ou plus classique, « sois autonome! ». Par compte, « démerdes toi »n'est pas paradoxal. Dans notre civilisation, la valeur proclamée est le respect de la liberté. De ce fait, les paradoxes abondent, car la liberté réelle de choix n'est pas plus élévée que dans les autres civilisations. Mais comme on ne peux pas utiliser ouvertement la force, on joue énormément sur la motivation humaine.

Qu'est ce qui motive l'homme à agir? Peut être n'y a-t-il pas de règle générale, malgré des tentatives comme la pyramide des besoins de Maslow. Ce qui est certain ,c'est que les aspirations humaines sont ambivalentes et dialectiques. Nous désirons l'aventure, et dans l'aventure aspirons à la sécurité. Dans la sécurité, nous nous ennuyons rapidement. Nous voulons aimer, mais l'amour est douleur et déchirement ; aussi l'évitons nous autant que nous le cherchons. Nous voulons l'ivresse, mais ivres et malades voulont la lucidité ; nous voulons posséder mais la culpabilité nous freine ; nous voulons être entouré, mais parfois nos amis nous emmerdent. Nous voulons être aimé et admiré, mais trop nous gêne, nous étouffe ; enfin nous voulons aboutir, mais l'aboutissement est une déception et le début de l'ennui, ou du sommeil dans le cas du sexe. Arrivé dans la ville que nous désirions tant visiter le premier chauffeur de taxi cherche à nous escroquer(Watzlawick) ; l'odeur de cette personne tant désirée nous désoriente, etc.Il y a une homéostasie du désir ; vide, il court vers le plein, mais très vite il freine. Ainsi les premières étapes peuvent-elle être très rapides, mais c'est une erreur énorme de ne pas pousser son avantage dans le feu de la passion : très vite, la situation peut changer.


C'est pourquoi la pyramide de Maslow, ou toute autre construction hiérarchisée non dialectique ne peut -elle que très partiellement, et pour les petits êtres, rendre compte des grands désirs. Par exemple, le danger est très désirable pour les âmes nobles, et la sécurité ne peut être une motivation pour eux.

Pour motiver à agir, il faut aller dans le sens de l'entéléchie de la personne à qui on s'adresse. En tant qu'espèce, les hommes ont une entéléchie spécifique, et il est donc possible de motiver de grandes masses, par l'attrait sexuel, par le goût de l'argent, par la puissance, le désir de domination, qui sont les principaux arguments des publicitaires.

Les jeunes ont une entéléchie qui les pousse naturellement à devenir adultes, et autonomes. De ce fait la communication doit être excessivement prudente, faite d'écoute active, pour motiver sans heurter.

Il est ensuite des espaces indéfinissables, qui échappent à la conscience claire et qui sont des motivations puissantes. On raconte que pour terroriser quelqu'un il faut connaître ses peurs les plus secrètes ; l'un a peur du vide, des bêtes féroces, de mourir noyé, ou dans les flammes ; l'autre ne craint aucune douleur, mais craint pour un proche ; il en est de même pour la motivation. A ce moment apparaît le problème des états multiples de l'être.

Un être humain est une unité physique, mais est parcouru de forces contradictoires ; ce qu'il appelle son identité est issu de son monde propre, et il peut très bien ignorer qu'en puissance il peut habiter toute sortes d'autres mondes, aussi éloignés de son monde soient-ils.

Je m'explique. L'identité, le personnage que je joue sur le théâtre du monde, est une cascade de déterminations, de caractères qui sont plus liés au monde qu'a moi même. Si le monde vécu s'effondre, comme dans le cas d'une guerre, d'une crise personnelle, d'un licenciement, alors l'identité ne peut subsister. Que reste-il de Louis XIV en robinson, seul sur une île déserte? Le Roi fait la cour, mais la cour fait aussi le Roi. L'identité plus secrète peut être à l'abri des pires secousses de la vie humaine, et permettre ces survies stupéfiantes d'hommes façe aux terreurs du siècle. Mais avoir cette identité secrète n'est pas le fait, semble-t-il, de la majorité des hommes.

Lors d'une crise, l'identité mondaine peut totalement s'effondrer, apparaître comme une coquille vide. Ce sont les bouffées délirantes. D'autres identités apparaissent alors, véritablement d'autres visages de l'être ; le syndrome des personnalités multiples en est un cas limite. Mais également, celui qui porte une identité mondaine forte peut avoir à montrer d'autre aspects ailleurs, ce qui est aussi très net dans les pratiques orgiastiques. Et même tout simplement dans la vie intime, ne serait-ce que dans la toilette.

L'être humain moyen n'a pas une conscience claire des possibilités multiples qui se mêlent en lui ; obscurément, il s'étonne de ses réactions en certaines circonstances. La psychanalyse a voulu fournir un modèle de cette multiplicité en hauteur, largeur et profondeur dans un plan, et donc par déformations et oùmbres, selon l'approche « positiviste » ; il y là vérités et faussetés.
L'identité fonctionne comme un filtre d'identification et d'assimilation du « monde extérieur », et comme matrice de réactions. Le monde, comme horizon d'identification des choses, est l'ombre de mon « moi ».

La structuration de l'identité est largement linguistique. Le découpage du continuum en unités sémantiques est classification des choses et stéréotypie des réactions. Ce découpage est une série de déterminations d'une puissance ; et il n'y a pas moins de déterminations dans l'action que dans la réaction ou la passion. Les déterminations ne passent pas, elles s'empilent comme des couches sédimentaires qui forment de nouveaux sols pour la pensée de la vie quotidienne, et sont autant d'aveuglement, de poids et d'opacité.

Agir me détermine comme identité. De ce fait, l'action, ou le travail simultanément me libèrent et m'enferment dans la construction que je produis. Il est essentiel de laisser du flou, de la puissance, de conserver la violence des contradictions, pour rester vivant. L'ambiguité, l'ambivalence, sont des constituants de l'homme, et de la pensée. La pensée elle même n'est pas la résolution des oppositions dans un plan, mais union des polarités, ce qui suppose un processus vivant, indéfini comme la mer.

La persona constituée, qui répond à un nom ou même à un surnom usuel, est une figure de la sécurité. Savoir comment est le monde, savoir comment y agir, aussi limité et illusoire cela soit-il, est construire le contraire d'un monde angoissant. Le concept d'angoisse est étroitement lié au concept d'identité.

L'angoisse en effet nait de ce qui est inassimilable par le pôle identité, la personna. L'inassimilable pointe les failles, les limites, la finitude de la polarisation, qui ne s'appuie que sur des fragments de l'Être. L'inassimilable en l'état est ce qui peut être rendu assimilable par un effort quelconque, par l'effort, la lutte, le travail, qui est le remède à l'angoisse humaine. Ainsi le travail est-il source de joie et de sérénité, mais tient sa racine de l'amertume de l'angoisse et de la mort. Face à la volonté de destruction de mon corps et de mon âme que porte le monde, par l'animal, les maladies, les poisons, les éléments, le temps inexorable...face à la terreur naturelle pour qui regarde cela avec lucidité, il ne reste que l'extase du combat pour triompher de l'angoisse. La mort, en effet, est l'inassimilable le plus fort de la vie ordinaire, étant impensable à partir de moi, et triomphante dans le monde.

L'angoisse destructrice monte de ce qui est étranger à l'identité, et se ferme au travail d'assimilation, ou me permet une assimilation qui transforme mon identité en creusant mon étrangeté à mon monde propre, et fait de moi un exilé dans mon propre monde. Ainsi l'approfondissement du mystère n'est-il pas la négation du mystère, mais l'abîme toujours plus vertigineux des ténèbres, l'obscur désolé de la nuit hiératique.

L'angoisse peut naître du monde, dans les convulsions du siècle qui nie la destination de l'homme. Défense de l'identité dans une contraction, elle peut naître au coeur des processus de la personne, énorme, écrasante ou simplement infime, comme le bourdon mélancolique d'une vielle. Née de la personne, elle peut être projetée dans le monde, dans le cas de la phobie. Quand la personnalité ne peut être construite, on rencontre dépression, décompensation, morcellement, angoise énorme, et délire, c'est à dire construction d'un monde permettant à une identité pathologique de vivre, pour pallier à l'angoisse de la destruction, et à la puissance destructrice du réel. A plus petite échelle, le deni si fréquent de réalités pourtant incontestables, les mensonges sincères, fréquents chez les personnes laides, ou gravement malades, est aussi un anxiogène.

La question qui se pose alors face à l'angoise est celle de la racine de la motivation à changer, à affronter l'angoisse indispensable à la déconstruction avant le changement. Tout d'abord l'angoisse peut être contrôlée par l'étalement dans le temps des transformations, car leur caractère systémique ne l'interdit pas. La vie ordinaire ne change pas immédiatement d'un changement profond d'entéléchie. La question n'en demeure pas moins.

Dans les faits, il est clair que les limites sécurisantes de la persona ne peuvent satisfaire la volonté de puissance, le désir, racine enflammée de la vie. L'angoisse est aussi l'expression obscure d'un désir qui ne peut se transformer en manifestation de puissance. La transformation de l'angoisse en volonté de puissance orientée vers une fin est une jouissance. La jouissance est l'expression de la volonté de puissance qui dépasse l'angoisse. La jouissance est l'intensité maximale de l'existence, du réel ; elle est l'extrême de la vie ; et c'est pourquoi une personna rigide et puritaine est une forme morbide, tournée vers la mort et la cendre.

La jouissance est dépassement, débordement ; moment d'expansion de la puissance, elle remet en cause la persona. Elle est le fruit de l'arbre amer de l'angoisse. La jouissance sexuelle est une analogie légitime de l'expérience de la puissance absolue du sacré dans toutes les traditions symboliques. Analogie n'est nullement identité. L'expansion maximale, rappellons-le, est aussi la contraction maximale, car le cercle infini a son centre partout et sa circonférence nulle part.
La jouissance surmonte l'angoisse. L'euphorie surmonte les bouleversement du feu. L'euphorie rejoint le désespoir, dans les ondes brutales qui bouleversent les amants. La communication tend un miroir vers une identité plus large, plus haute et plus profonde.

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