samedi 11 octobre 2008

Kant, pornographe métaphysique.


(image dédicacée for ABCD)


La faillite de la modernité ne fait guère de doute en ce sens que les objectifs de celle-ci, la Paix, la Prospérité, le Bonheur ne sont pas atteints et ne le seront pas. On appelle parfois cette modernité libéralisme ou capitalisme ; mais ceux là même qui croient dénoncer Léviathan parlent par sa voix. Car Léviathan est une bête aux bouches innombrables.
" En contemplant tes dents effroyables et ta face semblable aux flammes consumantes de la mort, je ne puis voir ni le ciel ni la terre ; je ne trouve pas de paix : aie pitié de moi, ô Seigneur des Dieux, Esprit de l'univers ! Les fils de Dhritarâshtra avec tous ces conducteurs d'hommes, Bhîshma, Drona, Karna et nos principaux guerriers, semblent se précipiter impétueusement d'eux-mêmes dans tes bouches effroyables armées de crocs ; j'en vois qui sont saisis entre tes dents, la tête broyée." (Bhagavad-Gîtâ )

L'homme n'est pas libéré de la malédiction du travail par le Progrès, bien au contraire le Travail est l'obsession de tous. Le siècle endormi a vu les guerres et les génocides les plus massifs quantitativement jamais réalisés ; quant au bonheur, je vous en laisse juge, non par l'appréciation personnelle de la vie, mais par l'absence des conditions du Bonheur, qui ne peuvent qu'illusoirement être assimilées à la Paix et à la Prospérité matérielles, pourtant déjà bien absentes.

De très nombreux penseurs issus de toutes les traditions intellectuelles condamnent cette modernité fuyante. Mais le plus souvent, ils condamnent les effets les plus détestables, sans discerner le système entier ; car ils parlent le langage du système et vivent dans son monde sans pouvoir en sortir, comme des poissons dans l'eau. Le poisson vit dans l'eau, et aussi loin qu'il aille il est toujours dans l'eau ; sa vie en dépend. Le système intègre les opposés en son sein plantureux, et souvent les rebelles sont des éléments du système. Dans leur caverne, ils voient des ombres et poussent de grands cris d'indignation, mais ce sont leurs propres ombres qu'ils condamnent.

Nous devons nous faire batraciens, reptiles, capables de fouler des zones inhabitées, s'égarer dans la nuit des temps, pour sortir du Système, adopter des formes étranges, approximatives, absolues. Sans doute se verra-t-il des monstres.

Le caractère indéfini de la croissance en montre assez l'imposture quant à sa promesse d'équilibre, de paix et de bonheur- ils sont renvoyés nécessairement vers le futur, toujours et encore confiture demain, jamais confiture aujourd'hui- et lie le progressisme sous toutes ses formes au Système.

De manière analogue, la philosophie de la connaissance a travaillé à déterminer à priori le connaissable, et à le réduire à tout ce qui peut servir la puissance mondaine. Il y a analogie fonctionnelle entre la Critique de la Raison Pure de Kant et le matérialisme épistémologique triomphant aux XIX et XX siècles : tous deux interdisent l'accès au monde symbolique, posé comme fantastique, pur produit de la démesure humaine. Pour eux l'imagination humaine est plus productrice que l'Être tout entier, et peut librement créer des images bien au delà des limites de celui-ci. Quelle puissance extraordinaire! Tous deux condamnent les témoignages idiographiques qui prennent pour des faits ce que leur thèses leur interdit de reconnaître vrai, que ce soient les prophètes, les spirites ou les sorciers, quand bien même cela viendrait d'un des leurs les plus doués, de Pascal ou de W. James ; et ainsi le Système peut-il renvoyer aux ténèbres de l'illusion, par le marteau de la "vérité scientifique", tout les clous qui dépassent du monde de la Raison idéologique. Condamner à priori des témoignages, privilégier la théorie face aux faits non réplicables, semble pourtant assez dogmatique-mais cette vérité demeure voilée. Un principe de base d'Ür est que l'imagination est une puissance ontologique. L'homme s'appuie nécessairement sur elle pour créer, et de ce fait vit l'imagination comme une négation locale de l'Être ; mais cette perspective est partielle.

Nous rêvons en l'Être. "Le rêve est une manifestation de la vérité" (Hagakure). Il existe une rêverie de l'Être même, une puissance de création toujours déjà présente. L'Être rêve.


De manière analogue quoique locale, la pornographie est un érotisme déployant au maximum la puissance sexuelle, par rapports de force, taille des sexes, hauteur des hurlements, fornication violente et vide, etc ; ainsi la pornographie, vide de monde symbolique, est-elle face à l'érotisme des Tantras l'équivalent fonctionnel de la Critique de la Raison Pure face à la Métaphysique du désir spirituel. La compréhension de l'érotisme tantrique par le Système est la projection horizontale d'un espace sexualisé ; à savoir, un rapport sexuel "normal". Hauteur, largeur et profondeur sont éliminés. Pour un moderne, le symbolique des Tantras est une manipulation dans le but d'avoir un rapport sexuel, une simple hypocrisie de prêtre.

Entre Kant et la pornographie, il y a analogie fonctionnelle globale, qui est d'orienter vers le déploiement intramondain de la puissance, vers la pratique, l'ensemble des forces humaines. Le Système se proclame réaliste, au nom du réel. En réalité, la négation ontologique du Symbolique creuse la polarité, et l'éloigne indéfiniment de l'homme, qui reste une créature toujours plus morcelée, partielle, soumise à une déréliction aveugle qui s'identifie à la toute puissance dans le siècle. Le symbolique, toujours susceptible de ressurgir par violence, est renvoyé aux mondes souterrains par diverses sciences, comme la psychanalyse. Le rôle de cette dernière est d'assimiler le symbolique à la puissance, de le rendre compatible, d'émousser sa virulence gênante.

Il n'est pas de théâtre sans cérémonie sacrée. Ainsi le magnifique Yerma, de Garcia Lorca, mis en scène par Vicente Pradal, qui finit par une hiérogamie sublime. L'art passe par toutes les forces de l'être.

Moi, Christian Fletcher, je l'affirme, j'ai vu la réussite des sorciers et des sorcières. Lors d'une cérémonie obscure, J'ai senti sur ma nuque le souffle lent du Diable, j'ai été bouleversé par sa présence silencieuse, le poids vertigineux de sa haine ancienne. Et je suis encore là, et j'en témoigne.

vendredi 3 octobre 2008

De la communication


(http://rata06.spaces.live.com/?_c11_BlogPart_BlogPart=blogview&_c=BlogPart&partqs=amonth%3D10%26ayear%3D2005)

L'enseignement et la formation sont des métiers de communication. Par rapport à ce qui est conçu comme tel dans les systèmes des écoles d'Europe, nous savons à Ur que le domaine en est beaucoup plus large.

Tout passage d'information d'une personne à une autre est communication ; mais en même temps la communication est création d'espaces communs et de rapports. De ce fait, la force, la violence et la domination font partie du monde de la communication. Même et surtout si cela est nié ou voilé. De ce fait, la science qui étudie l'efficacité de la communication se doit de poser des problèmes très différents. Le premier problème est celui de la réception et de la compréhension du message ; le deuxième de l'interprétation, tant du message que de l'acte de communication. Le troisième est celui de l'efficacité. Cette question se pose dans toute communication finalisée, c'est à dire poursuivant un objectif qui n'est pas à priori celui du récepteur des messages, mais de l'émetteur.

Le problème de la réception est d'ordre technique, et celui de la compréhension relève du décodage.

Mais l'interprétation part déjà beaucoup plus de la mondéité propre à la personne qui le recoit. En effet, l'interprétation est aussi une prise en charge globale du message mais aussi des conditions de son émission. Par exemple, demander du feu peutêtre une façon d'aborder quelqu'un. De même, une approche peut être vécue comme hostile ou méprisante quand il s'agit de conseils.

La communication finalisée est l'émission de messages pour obtenir certains effets visés. Cela peut être l'acquisition de compétences, la réalisation d'actions, etc.
La manière la plus simple de réaliser cette communication est l'ordre. Quand je donne un ordre, et qu'il est exécuté, la situation ressemble fortement à la situation physique de la causalité : je sais que pour ouvrir une porte fermée à clé, je dois utiliser telle clé ; ou que pour déplacer tel objet, je dois déployer une certaine force, etc. Un être animé tué à la chasse devient ainsi un objet physique au service de mon entéléchie. La puissance que j'exerce alors est absolue ; d'un être animé, j'ai fait une chose. Chez un être pervers, la jouissance de cette puissance est la racine du sadisme et du meurtre gratuit.

Mais en tuant je perds les services que peut rendre un être animé. C'est pour cela que la contrainte violente, le dressage et l'esclavage visent à faire d'un être animé un outil animé. L'outil est ce que je peux mettre au service de mon entéléchie pour démultiplier ma capacité à l'atteindre, à la réaliser. Dans un cadre disciplinaire, le dressage humain vise à faire d'hommes de bonnes machines de guerre.

Dans la communication éducative, ou entre adultes, il est question de former des êtres autonomes ou de respecter l'autonomie des autres. La communication finalisée avec un tel objectif ne peut pas être un dressage qui serait contraire à l'objectif visé. Par ailleurs, cette communication est pensée en l'absence de véritable rapport de force pour être véritablement telle qu'elle doit être pensée pour la bien comprendre. En l'absence de rapport de force, il faut fournir à autrui des motifs d'agir comme on le souhaite voir agir. C'est pour cette raison que la question de la motivation des élèves dans le système éducatif monte comme une marée alors que par le système l'enseignant est toujours plus désarmé. De la même manière, dans une civilisation patriarcale, il est très peu utile de savoir séduire, motiver à une relation une partenaire pour un homme ; cela devient une question cruciale avec le retrait de la force des rapports hommes-femmes.

L'école de Palo Alto insiste sur les paradoxes qui naissent de la communication de ce type. Ainsi, l'ordre « sois spontané! »! Ou plus classique, « sois autonome! ». Par compte, « démerdes toi »n'est pas paradoxal. Dans notre civilisation, la valeur proclamée est le respect de la liberté. De ce fait, les paradoxes abondent, car la liberté réelle de choix n'est pas plus élévée que dans les autres civilisations. Mais comme on ne peux pas utiliser ouvertement la force, on joue énormément sur la motivation humaine.

Qu'est ce qui motive l'homme à agir? Peut être n'y a-t-il pas de règle générale, malgré des tentatives comme la pyramide des besoins de Maslow. Ce qui est certain ,c'est que les aspirations humaines sont ambivalentes et dialectiques. Nous désirons l'aventure, et dans l'aventure aspirons à la sécurité. Dans la sécurité, nous nous ennuyons rapidement. Nous voulons aimer, mais l'amour est douleur et déchirement ; aussi l'évitons nous autant que nous le cherchons. Nous voulons l'ivresse, mais ivres et malades voulont la lucidité ; nous voulons posséder mais la culpabilité nous freine ; nous voulons être entouré, mais parfois nos amis nous emmerdent. Nous voulons être aimé et admiré, mais trop nous gêne, nous étouffe ; enfin nous voulons aboutir, mais l'aboutissement est une déception et le début de l'ennui, ou du sommeil dans le cas du sexe. Arrivé dans la ville que nous désirions tant visiter le premier chauffeur de taxi cherche à nous escroquer(Watzlawick) ; l'odeur de cette personne tant désirée nous désoriente, etc.Il y a une homéostasie du désir ; vide, il court vers le plein, mais très vite il freine. Ainsi les premières étapes peuvent-elle être très rapides, mais c'est une erreur énorme de ne pas pousser son avantage dans le feu de la passion : très vite, la situation peut changer.


C'est pourquoi la pyramide de Maslow, ou toute autre construction hiérarchisée non dialectique ne peut -elle que très partiellement, et pour les petits êtres, rendre compte des grands désirs. Par exemple, le danger est très désirable pour les âmes nobles, et la sécurité ne peut être une motivation pour eux.

Pour motiver à agir, il faut aller dans le sens de l'entéléchie de la personne à qui on s'adresse. En tant qu'espèce, les hommes ont une entéléchie spécifique, et il est donc possible de motiver de grandes masses, par l'attrait sexuel, par le goût de l'argent, par la puissance, le désir de domination, qui sont les principaux arguments des publicitaires.

Les jeunes ont une entéléchie qui les pousse naturellement à devenir adultes, et autonomes. De ce fait la communication doit être excessivement prudente, faite d'écoute active, pour motiver sans heurter.

Il est ensuite des espaces indéfinissables, qui échappent à la conscience claire et qui sont des motivations puissantes. On raconte que pour terroriser quelqu'un il faut connaître ses peurs les plus secrètes ; l'un a peur du vide, des bêtes féroces, de mourir noyé, ou dans les flammes ; l'autre ne craint aucune douleur, mais craint pour un proche ; il en est de même pour la motivation. A ce moment apparaît le problème des états multiples de l'être.

Un être humain est une unité physique, mais est parcouru de forces contradictoires ; ce qu'il appelle son identité est issu de son monde propre, et il peut très bien ignorer qu'en puissance il peut habiter toute sortes d'autres mondes, aussi éloignés de son monde soient-ils.

Je m'explique. L'identité, le personnage que je joue sur le théâtre du monde, est une cascade de déterminations, de caractères qui sont plus liés au monde qu'a moi même. Si le monde vécu s'effondre, comme dans le cas d'une guerre, d'une crise personnelle, d'un licenciement, alors l'identité ne peut subsister. Que reste-il de Louis XIV en robinson, seul sur une île déserte? Le Roi fait la cour, mais la cour fait aussi le Roi. L'identité plus secrète peut être à l'abri des pires secousses de la vie humaine, et permettre ces survies stupéfiantes d'hommes façe aux terreurs du siècle. Mais avoir cette identité secrète n'est pas le fait, semble-t-il, de la majorité des hommes.

Lors d'une crise, l'identité mondaine peut totalement s'effondrer, apparaître comme une coquille vide. Ce sont les bouffées délirantes. D'autres identités apparaissent alors, véritablement d'autres visages de l'être ; le syndrome des personnalités multiples en est un cas limite. Mais également, celui qui porte une identité mondaine forte peut avoir à montrer d'autre aspects ailleurs, ce qui est aussi très net dans les pratiques orgiastiques. Et même tout simplement dans la vie intime, ne serait-ce que dans la toilette.

L'être humain moyen n'a pas une conscience claire des possibilités multiples qui se mêlent en lui ; obscurément, il s'étonne de ses réactions en certaines circonstances. La psychanalyse a voulu fournir un modèle de cette multiplicité en hauteur, largeur et profondeur dans un plan, et donc par déformations et oùmbres, selon l'approche « positiviste » ; il y là vérités et faussetés.
L'identité fonctionne comme un filtre d'identification et d'assimilation du « monde extérieur », et comme matrice de réactions. Le monde, comme horizon d'identification des choses, est l'ombre de mon « moi ».

La structuration de l'identité est largement linguistique. Le découpage du continuum en unités sémantiques est classification des choses et stéréotypie des réactions. Ce découpage est une série de déterminations d'une puissance ; et il n'y a pas moins de déterminations dans l'action que dans la réaction ou la passion. Les déterminations ne passent pas, elles s'empilent comme des couches sédimentaires qui forment de nouveaux sols pour la pensée de la vie quotidienne, et sont autant d'aveuglement, de poids et d'opacité.

Agir me détermine comme identité. De ce fait, l'action, ou le travail simultanément me libèrent et m'enferment dans la construction que je produis. Il est essentiel de laisser du flou, de la puissance, de conserver la violence des contradictions, pour rester vivant. L'ambiguité, l'ambivalence, sont des constituants de l'homme, et de la pensée. La pensée elle même n'est pas la résolution des oppositions dans un plan, mais union des polarités, ce qui suppose un processus vivant, indéfini comme la mer.

La persona constituée, qui répond à un nom ou même à un surnom usuel, est une figure de la sécurité. Savoir comment est le monde, savoir comment y agir, aussi limité et illusoire cela soit-il, est construire le contraire d'un monde angoissant. Le concept d'angoisse est étroitement lié au concept d'identité.

L'angoisse en effet nait de ce qui est inassimilable par le pôle identité, la personna. L'inassimilable pointe les failles, les limites, la finitude de la polarisation, qui ne s'appuie que sur des fragments de l'Être. L'inassimilable en l'état est ce qui peut être rendu assimilable par un effort quelconque, par l'effort, la lutte, le travail, qui est le remède à l'angoisse humaine. Ainsi le travail est-il source de joie et de sérénité, mais tient sa racine de l'amertume de l'angoisse et de la mort. Face à la volonté de destruction de mon corps et de mon âme que porte le monde, par l'animal, les maladies, les poisons, les éléments, le temps inexorable...face à la terreur naturelle pour qui regarde cela avec lucidité, il ne reste que l'extase du combat pour triompher de l'angoisse. La mort, en effet, est l'inassimilable le plus fort de la vie ordinaire, étant impensable à partir de moi, et triomphante dans le monde.

L'angoisse destructrice monte de ce qui est étranger à l'identité, et se ferme au travail d'assimilation, ou me permet une assimilation qui transforme mon identité en creusant mon étrangeté à mon monde propre, et fait de moi un exilé dans mon propre monde. Ainsi l'approfondissement du mystère n'est-il pas la négation du mystère, mais l'abîme toujours plus vertigineux des ténèbres, l'obscur désolé de la nuit hiératique.

L'angoisse peut naître du monde, dans les convulsions du siècle qui nie la destination de l'homme. Défense de l'identité dans une contraction, elle peut naître au coeur des processus de la personne, énorme, écrasante ou simplement infime, comme le bourdon mélancolique d'une vielle. Née de la personne, elle peut être projetée dans le monde, dans le cas de la phobie. Quand la personnalité ne peut être construite, on rencontre dépression, décompensation, morcellement, angoise énorme, et délire, c'est à dire construction d'un monde permettant à une identité pathologique de vivre, pour pallier à l'angoisse de la destruction, et à la puissance destructrice du réel. A plus petite échelle, le deni si fréquent de réalités pourtant incontestables, les mensonges sincères, fréquents chez les personnes laides, ou gravement malades, est aussi un anxiogène.

La question qui se pose alors face à l'angoise est celle de la racine de la motivation à changer, à affronter l'angoisse indispensable à la déconstruction avant le changement. Tout d'abord l'angoisse peut être contrôlée par l'étalement dans le temps des transformations, car leur caractère systémique ne l'interdit pas. La vie ordinaire ne change pas immédiatement d'un changement profond d'entéléchie. La question n'en demeure pas moins.

Dans les faits, il est clair que les limites sécurisantes de la persona ne peuvent satisfaire la volonté de puissance, le désir, racine enflammée de la vie. L'angoisse est aussi l'expression obscure d'un désir qui ne peut se transformer en manifestation de puissance. La transformation de l'angoisse en volonté de puissance orientée vers une fin est une jouissance. La jouissance est l'expression de la volonté de puissance qui dépasse l'angoisse. La jouissance est l'intensité maximale de l'existence, du réel ; elle est l'extrême de la vie ; et c'est pourquoi une personna rigide et puritaine est une forme morbide, tournée vers la mort et la cendre.

La jouissance est dépassement, débordement ; moment d'expansion de la puissance, elle remet en cause la persona. Elle est le fruit de l'arbre amer de l'angoisse. La jouissance sexuelle est une analogie légitime de l'expérience de la puissance absolue du sacré dans toutes les traditions symboliques. Analogie n'est nullement identité. L'expansion maximale, rappellons-le, est aussi la contraction maximale, car le cercle infini a son centre partout et sa circonférence nulle part.
La jouissance surmonte l'angoisse. L'euphorie surmonte les bouleversement du feu. L'euphorie rejoint le désespoir, dans les ondes brutales qui bouleversent les amants. La communication tend un miroir vers une identité plus large, plus haute et plus profonde.

mercredi 24 septembre 2008

L'écologie, face puritaine du libéralisme.



( Fair of Lille. My first nude : http://www.pbase.com/image/33453567)


Les associations tenantes du Grenelle de l'environnement, en l'absence de toute réflexion dialectique, veulent en réalité renforcer le contrôle du système sur la vie humaine, par les lois, les textes, les ceci et les cela, au nom du Bien. C'est la même folie, au nom du Bien, qui fait faire à la dynamite des « chemins de randonnée » pour être « au contact de la nature ». La même encore, qui faisait argumenter pour un projet de téléphérique vers le sommet du Mont Blanc, du « droit des handicapés à profiter de la montagne ». La puissance technique s'habille du Bien. Le renforcement des contrôles sur l'homme, pour le rendre conforme au système, s'habille du Bien.

Ce droit de chacun de profiter de l'espace est bien conforme à l'idéal libéral de l'espace sans qualité, indéfiniment ouvert, et vide par nature, par rapport à la réalité de l'espace douloureux à conquérir, qui se paye d'aventure et d'effort, l'espace de la quête de la liberté humaine. Et ce droit de tous à arpenter l'espace sans effort, à consommer passivement de l'espace, avec des machines, avions, quads, « tout terrains », est bien plus assuré que le droit du pauvre à fréquenter une plage privée, ou du mendiant à fréquenter certains centre-villes. Ces dernières interdictions d'espace choquent moins, au nom de la Propriété. Nous laissons interdire les enfants pauvres des plages privées, et sommes gênés d'interdire les transhumances aux engins motorisés.
De même, 96% des déchets sont produits par l'agriculture et l'industrie, et ces gens veulent culpabiliser les utilisateurs de couverts en plastique jetables. On nous sert la culpabilité et la coercition comme moyen de régler les problèmes du système. Un exemple supplémentaire de double contrainte, entre la publicité et « la consommation moteur de la croissance », et l'horreur de la consommation polluante.
L'association impossible de la consommation et de la conservation est caractéristique. On rencontre cela partout dans l'idéologie moderne, ces oxymores contraires à la raison, comme le « développement durable », comme si le développement pouvait être autre chose que la consommation du durable, et donc sa destruction. Je répète : l'idéologie moderne nie la réalité des contraires. C'est la cause et l'effet d'une déréalisation due à la croyance naïve de l'homme libéral, son oubli d'être un fragment, sa toute puissance illusoire.

Les contraires ne peuvent être trouvés ensemble en vertu du principe de non contradiction, dans l'ordre ontologique ; certaines limites de l'homme sont aussi ontologiques. Pour l'homme libéral, de telles choses sont des injustices (comme si le monde se préoccupait d'être juste à la mesure libérale), ou des archaïsmes que les progrès de la puissance technique devront balayer, aussi absurde soit la demande. Les limites ontologiques, comme la laideur effective d'un individu, sa taille petite, étant des injustices, ne peuvent être dites : on parlera très moralement d'un homme de petite taille et de physique différent plutôt que d'un nain. Et ce dernier pourra exiger de la collectivité le remboursement des diverses interventions techniques qui peuvent faire de lui un homme grand et esthétique, et même une femme si le cœur lui en dit. Pourtant la laideur est un vice.

La Nature est propriété de tous et tous peuvent en tirer jouissance et profit. La tyrannie de tous sur tout!

Car il s'agit bien de profit. La nature, ce n'est que le nom de l'être pensé comme objet de la technique, comme utile, et du commerce, comme ressource à gérer. La nature c'est l'être par rapport à l'homme libéral. La nature sans homme c'est la lumière sans l'ombre qui l'accompagne : un aveuglement. L'idée même de nature est celle d'un asservissement et d'un aveuglement. La protection de la nature n'est qu'une tyrannie plus sophistiquée.

Le Grenelle propose des taxes, plutôt qu'interdire purement et simplement au nom du Bien public. Si un acte nuit à la communauté, il est légitime de l'interdire dans une vision politique de l'homme, comme animal constitué humain par le politique. Il n'existe pas d'homme isolé, sinon dans la mythologie libérale. L'homme est un être qui a des parents, une langue, un monde propre. L'homme est homme comme partie. Ce qui le fait accéder à son essence, dans la civilisation, est le Bien public au dessus de lui, qui n'appartient en propre à personne. Ce Bien public est plus qu'une vie humaine, même s'il n'appartient à aucun homme dans l'Âge de fer de décider légitimement une mort humaine, hors soi-même. Plus qu'une vie humaine, il est ce qui donne à la vie sa valeur et sa saveur, ou sagesse. Seul il explique pourquoi des hommes peuvent préférer la mort à la vie biologique, comme un Jean Moulin. Sans Bien public inaliénable et sacré, (1789), l'homme ne peut accéder à la grandeur.

Dans l'idéologie de l'Âge de fer, le politique n'est constitué que par l'agrégation stochastique des individus absolus, et le bien public est second, et au fond arbitraire et peu consistant. Son seul fondement est sa conformité aux intérêts de tous, qui sont forts labiles. De ce fait en libéralisme ne pas respecter le bien public, ou plus exactement des ressources non appropriées individuellement, est normal, mais se paye. Le Bien public n'est qu'une propriété, non une entéléchie et une norme supérieure pour jauger les lois. Son prix est de trente deniers. C'est un retour du privilège, en tant que dérogation aux règles du Bien public, dérogation justifiée par un service particulier à cet ordre. Le service ne consiste plus qu'en paiement de taxe. Et encore.

Plus on possède d'argent, plus on peut déroger ; mais on ne paye pas plus, grâce aux niches et au bouclier fiscal. Le bouclier montre que le bien public est un ennemi dont il faut se protéger. Le bien public est à vendre. Aucune civilisation droite ne peut y survivre, aucun art, et au fond aucune vie proprement humaine. Le simple fait d'être riche est pensé comme un service suffisant rendu à la collectivité. Libre à chacun, dans cette optique d'exténuation de la solidarité humaine et donc de l'humain, de trouver la taxation écologique.

Cette idéologie de l'individu absolu ne peut penser que par la contrainte sous forme de taxe ; pas d'interdit, mais une diminution de la puissance d'échange, de la souveraineté réelle de l'individu dans l'univers plan du libéralisme. Pourtant les taxes, amendes et règlements qui les définissent ne peuvent être une diminution de la puissance de contrainte déployée par les anciens interdits ; au mieux elles sont un redéploiement de cette puissance. A ce titre, une telle politique ne peut freiner le déploiement maximal de la puissance, entéléchie caractéristique de l'âge de fer. Elle transforme en intensité verticale, en réseau à mailles fines, l'extensivité de la production des Trente glorieuses. Elle étouffe la liberté sans ralentir le déroulement du système.

L'écologie libérale est avant tout issue d'un moralisme puritain, d'une volonté de répression du désir dans ce qu'il a de démesuré, donc d'inquiétant, et d'irrationnel. Le désir individuel rationnel est celui qui se limite à celui que prescrit le système pour chaque individu. Le désir individuel rationnel est de désirer sa situation dans le système, tout en se croyant tout puissant. C'est une exigence pathologique de plus du système. A ce titre les écologistes sont partisans d'un renforcement constants des normes et de la surveillance des conduites humaines ; et par une ruse de la raison, ils rajoutent du carburant au système et accentuent sa durée de vie.
Le moralisme puritain est l'amour des limites, la répression du désir comme plaisir ténébreux et comme puissance sur les autres par le logos moral. Le puritain est incapable de penser à la raison de plusieurs. Pour le puritain les autres ont tort.

Le puritanisme est une expression efficace du système depuis ses débuts : il pousse à sacrifier l'homme au système, il est une voie du déploiement totalitaire du système.

Par exemple la condamnation morale puritaine de la guerre et de la violence empêche toute fin au déploiement maximal de la guerre et de la violence. On ne peut admettre le droit de l'adversaire à se battre ; il est, de ce fait, la figure du mal en lutte contre le Bien, c'est à dire moi. Moi, je me bas sans haine et sans violence, sans volonté de puissance ; je me bat pour établir la paix, la sécurité et la démocratie, ou protéger la nature.

L'aveuglement sur soi est le résultat du puritanisme, la confession du pécheur justifié. C'est une inflation du moi dans le discours moral ; les distinctions du Bien et du Mal servent à m'exalter jusqu'au délire. L'écologiste, le pacifiste, en bon puritain, sait et se donne le droit de contraindre les autres à faire ce qu'il sait bon. La poutre dans l'œil ne peut être vue. C'est définitivement une posture démoniaque, ivre de puissance et de satisfaction.

L'adversaire du Bien, leur bien! est décrit aveuglé par la haine, assoiffé de sang, avide de dominer et d'opprimer. A ce titre il est totalement déshumanisé, et ne mérite pas la protection des lois et conventions internationales, comme le montre Guantanamo après les terreurs et les iejovtchina, ou la terreur nazie.

Il doit être détruit ou se réformer, devenir puritain. De ce fait, il n'existe aucune reconnaissance réciproque des adversaires qui pourrait créer les conditions d'une guerre chevaleresque dont l'éthique existait déjà au XIIème siècle. Il y a eu régression de la guerre vers la démesure.

La guerre chevaleresque est cruelle et sanglante, mais reconnaît l'adversaire comme un homme noble, égal ; de ce fait elle fait des prisonniers et les respecte ; elle reconnaît les motifs de guerre de l'adversaire, son courage et son honneur ; elle autorise en temps de trêve à manger et parler avec lui.
Elle reconnaît un droit de la guerre. Elle pose des conditions. Elle déclare la guerre, négocie la paix.
Il faudrait pour inverser le mouvement que les valeurs guerrières l'emportent sur les valeurs puritaines.

Retournement classique, le fanatisme de la paix absolue du marché nourrit des guerres démentielles depuis 1914, guerres nourries par une ascension symétrique aux extrêmes, typiques des guerres idéologiques.

Reconnaître un droit de l'adversaire, le considérer comme un adversaire digne d'être respecté : toutes choses impensables dans l'esprit de nos guerres d'extermination. Ces guerres sont niées, jamais déclarées, en dehors de toute loi de la guerre, car vues comme maintien de l'ordre, opérations techniques. Elles sont inconditionnelles, non négociables, irrémissibles. Le méchant est un aspect de la nature sauvage, de l'animal nuisible exterminable.

L'entéléchie puritaine des pacifistes et écologistes modernes mène au déploiement maximal des moyens de destruction, et à l'absence, l'incapacité de penser un compromis avec l'adversaire. C'est une logique de génocide. Elle est parfaitement appropriée à l'âge de fer.

Les écologistes sont au service de la puissance comme les autres. Chez eux elle prend la figure d'une tyrannie puritaine-et rien de plus. Cette tyrannie puritaine, exterminatrice, montre déjà ses linéaments dans le réel. Cherche ailleurs, petit frère!

Et à ceux qui me diront que face à la catastrophe qui s'annonce, il faut bien faire quelque chose, je répondrais :
Croire que par principe faire quelque chose est mieux que rien faire est un produit de l'idéologie libérale. On peut commencer par vivre. Faire de sa vie une histoire, comme moi. Le système s'effondrerait plus vite si tous ne faisaient rien, plutôt que quelque chose. Dans une période d'expansion des mouvements anarchiques, d'entropie maximale, faire quelque chose est ajouter de l'entropie.

Aller dormir sur une île est plus faire que de distribuer des tracts stupides.

Nous n'avons aucune cause, et celle que nous avons n'est fondé sur rien.

dimanche 14 septembre 2008

Séminaire sur la motivation des masques et le sens de l'icône : "balai".


(Clovis Trouille 1889-1975)

Parmi les innombrables motifs d'action des hommes-je parle des hommes nobles- ce qui les pousse à déplier leurs multiples boucles de puissance pour réaliser des actes, des gestes-au sens des chansons de geste-on trouve la fascination de l'accumulation de la richesse et de l'envie ; l'ivresse de la puissance, du risque aussi, avec la guerre,le butin, les femmes captives alors assimilées à un butin ; on trouve le désir infini de savoir, la Gnose ; et on trouve l'esthétique et la figure du Séducteur.

Le Séducteur apparait dans une civilisation polie par les siècles, à la manière du gnostique. Il représente, en tant que figure, et donc qu'il soit mâle ou femelle, la forme sculptée, réduite à l'essence et à l'analogie, du Loup. Il est donc Autre que le carnassier.

Ce serait une erreur de l'assimiler hâtivement à une bête de proie. La bête de proie détruit sa victime, en fait de la chair pour son repas, du sang pour sa boisson. L'assimilation de la proie pour le carnassier est pour la proie une annihilation. Dans la séduction, le processus est plus subtil ; seul le tueur sadique conserve encore ce désir d'annihilation mis à nu et opératif. Il révèle une vérité, mais cache une autre. La transparence du violeur et du tueur est un abîme de mensonge sur l'homme noble.

Le séducteur en effet est parfois mu par cette volonté destructrice, mais ne détruit pas sa proie. Le séducteur des liaisons dangereuses séduit par volonté de puissance, manipulation, destruction, ennui ; mais cette figure, comme Don Juan, est plus morale que réelle. Ovide, Pouchkine, ou encore Casanova, sont des figures de séducteur qui permettent de penser une séduction du Dandy.

Le séducteur n'utilise pas la force, quand bien même il use de son prestige. Il peut être insistant ou brutal, mais la réalité est qu'il s'appuie sur les désirs de ceux qu'ils séduit. Comme le dit Ovide, ou Salomon, "ce qui manque ne peut être compté". Sans cesse l'infini du désir se heurte aux déterminations finies du réel ; et cela est d'autant plus vrai que l'âme est plus grande. Dans un grand homme tout est grand. Le désir, la frustration, la rage, ne sont pas seulement la sottise de l'enfant déstructuré qui veut un friandise, ce peut être la soif d'infini de l'homme noble.

Bien des êtres humains vivent dans leurs boites, derrières leurs propriétés, murs, haies, allures, vêtements, titres d'autorité. Tout cela les soutient, les sécurise et les protège. Mais cela les étouffe. La sécurité est indispensable à la survie de l'espèce et privilégiée par la masse ; cela n'a rien d'un jugement social, voyez les quartiers sécurisés des riches. Le gypsy, l'errant est une figure possible du Sage ; en cela il montre que la perte de biens n'est pas pour lui un risque, puisque son être n'est pas pris dans les mailles des grands filets. L'homme cherche ce qui le sécurise, et ce qui le sécurise l'étouffe. La formation consiste à apporter le désir et le plaisir qui conduisent à faire du risque, de la douleur et de l'angoisse qui naissent de toute aventure, de toute mutinerie, une ivresse inexorable.

Car qui a gouté les horizons ne peut revenir dans un monde de cloisons et de balais, de sonneries et de vide.

A l'Âge de fer des décennies de constructions de murs se succèdent. On ne sait plus quoi règlementer ou interdire, ou abrutir de conseils. Ainsi nait le désir de guerre chez les peuples prospères.

Vivant dans leurs boîtes matérielles et morales, les hommes ignorent que des portes sont là entre les boîtes, des fenêtres, des passages secrets, mille voies de traverse, des courants d'air. Peut savent que l'on peut s'habituer à l'hallucination simple. Peut savent le bruit que fait un arbre en tombant quand personne ne l'écoute.

Peut pratiquent la sorcellerie, et savent voler dans les airs. Celui qui voit un balai voit la figure de l'ennui : poussière, rôle féminin, ménage, sérieux, hygiène...Le balai est une nature morte en lui même. Pour la sorcellerie, le balai est magie, voyage et vol. Boulgakov montre ce désir et cette latitude. Marguerite est plus grande que Mme Bovary, qui ne trouve que la rêverie et la mort. De la mélancolie Marguerite devient une guerrière, une Walkyrie,une puissance de destruction des mensonges et des illusions des hommes.

L'Artiste possède cette puissance, de tracer des portes sur les murs, qui se trouvent être réellement ouvertes.. Celui qui médite sur la mort et joue avec des crânes, celui là sait que les murs, les haies, les mots des hommes sont des pitreries éphémères, des stratégies d'occultation de l'âpre saveur de la vie mortelle. Les saisons, les horloges, la monotonie des sonneries et des règlements, les fleurs sont des signes d'urgence. Une vie sans Dragon n'est que sillage de navire, une onde qui s'écoule sous le sol.

Le séducteur est proche d'Hermès, le messager ailé des dieux ; il révèle les désirs cachés, les caves et les soupentes ou des rêves ont été enfouis pour vivre gentiment la vie mécanique tout à fait dégoutante des adultes. Les "adultes" ont inventé l'homme machine. Ces adultes prétendus sont des morts.

Le séducteur est pour le séduit le messager de soi-même, et ce n'est pas par hasard que dans les œuvres les plus profondes, la contemplation fasse suite à la séduction. Ou encore que l'Ermite, ou l'Ordalie, soutiennent les amants devant les limites des hommes. Voyez la Geste de Tristan et d'Iseult. Ainsi la figure du séducteur devient-elle celle du Gnostique, de l'homme du désir, qui passe par la métaphysique pour tracer une voie noble.

Denis de Rougemont voyait une nécessité culturelle dans la mort des amants, une fascination pour la mort typiquement occidentale, qu'ignorait l'Inde et la Chine. En réalité, l'Inde et la Chine savaient que les règles qui définissent les boîtes de la vie ordinaire doivent être fixes et sans exceptions ; et que l'exception devait être accordée aux hommes nobles, non par l'acquiescement, mais par le silence. Ainsi la Loi de Manu interdit-elle tout divorce, puis en donne les modalités. Ainsi le Yi-King définit-il des types de liens. Ainsi la Geste de Tristan et d'Iseult leur est-elle favorable.

La mort du séducteur comme du Gnostique n'est une nécessité que pour l'Âge de fer. Cet âge ne peut comprendre que la règle de Droit porte la transgression comme une ombre hostile, certes, mais parfois amicale. Que la Règle elle même peut vouloir l'exception. Telle est pourtant l'autorité de la chose jugée, de la Loi : la mise au supplice de la Justice.

La Loi est d'ordre statistique.

Dans notre monde figé sous le couvercle de l'ennui, un monde d'étouffement, le Séducteur, comme le grand couturier, tisseur de masques, est une figure de la liberté de l'Esprit.

dimanche 7 septembre 2008

Semiotical Underground Global Fighting Machine


http://www.flickr.com/photos/olivier-tibloux/399661387/in/set-72157604833158725/)



La mutinerie est une machine de guerre métaphysique contre le système général du monde, contre l'ennui et le vide des sociétés modernes.
Le système moderne revendique quatre objectifs:

-La PAIX, en mettant toutes les énergies au service de la production de richesse.
-Le BONHEUR individuel par la liberté de chacun de le construire et d'en avoir les ressources.
-Le DROIT comme règne, appelé État de Droit ou démocratie
-Le libre MARCHE garantie de l'EQUILIBRE du système.

La guerre de tous contre tous et le droit de tous sur tout est en train d'établir une tyrannie nouvelle, beaucoup plus puissante, difficile à nommer et à décrire, et aussi dangereuse que celles qui l'ont précédé. La tyrannie floue. Bref, que le projet libéral est de plus en plus éloigné de la route réelle du libéralisme, qui est la vraie "route de la servitude". Cet accomplissement logique du système, que nous nommons son entéléchie, n'est pas les projets et les désirs des promoteurs, mais la réalité de sa voie.

Les énergies mises au service de la production sont en réalité une maximisation permanente du déploiement de puissance. Le vecteur de l'entéléchie libérale est cette recherche obscure, aveugle, inconsciente, de maximisation de la puissance. Le système a une réalité organique parasitaire, où les fonctions d'assimilation, d'excrétion et de reproduction annihilent les fonctions nerveuses qui deviennent des survivances. Il est ingouvernable et ingouverné, malgré les leviers disponibles. C'est un navire massif au gouvernail affaibli, porteur d'une inertie indéfinie, au fond inconnue de ses prétendus possesseurs. Cette énorme puissance qui devait rendre l'homme maître et possesseur de la Nature a rendu l'homme esclave de la puissance, alors même que depuis longtemps elle dévore l'homme, dans les guerres toujours recommencées, totales, inexpiables, sans négociations possibles, et dans les pollutions brutales ou lentes qui provoquent des mortalités cancéreuses de plus en plus évidentes et brutales. La mégamachine détruit les conditions de la vie biologique, celle du corps, mais aussi les conditions de dignité : elle arraisonne l'âme et l'esprit tant qu'elle peut. Car l'énorme puissance destructrice qui se déchaine si insidieusement ne peut vaincre l'esprit humain que par la mainmise sur les corps. Le corps est enserré par la santé, le politiquement corporellement correct.

Le crâne est une image douce associé à la fleur. Elle peut pousser dans l'œil.

L'immense production de richesses ne sert que dans le mythe à délivrer l'homme du travail et à permettre le loisir ; le client de Disneyland travaille à consommer comme au bureau, à l'usine, il travaille à produire. La faim et le déclassement restent des peurs profondes dans une société gorgée de biens. L'arrachement à l'antique malédiction du travail n'est nullement réalisée.

La liberté reste à conquérir. Voile!

Le dandysme, le parfum, le regard, le rayon vide et non vide, et le rire sont des voies bien plus que la moraline.

Et viva la muerte! A bientôt, amies et amis de toutes les mutineries!

samedi 21 juin 2008

Méthode : rédigez une composition de philosophie!

(William Blake)

Conseils d'un IA-IPR de philosophie pour la correction du bac :
"Les professeurs de philosophie sont des gens suffisament pondérés, mesurés et raisonnables..."

Il faut donner la moyenne aux candidats qui récitent leur leçon. La leçon de philosophie peut-elle être un savoir prédigéré? Est-il philosophique de réciter une leçon de philosophie?

Prenons un sujet : la prudence et la pondération sont elles des vertus?

Je posais la question à Fletcher Christian un jour de 199...
Il me regarda de son oeil vert et me répondit :



Introduction : nature du problème, problématique, annonce du plan.


"Les rêves sont les manifestations de la vérité. J'ai rêvé il y a peu au mot de "réconciliation". Cela n'a rien à voir, n'a aucun rapport avec ce qui suit, et donc le concerne directement. En effet le rapport est le lien qui réunit les opposés, alors que ce qui concerne X est ce qui est entouré par le même cercle de problème que X.

La réconciliation passe par la violence des contraires. Ce qui ne s'oppose pas n'a pas d'identité, et parfois n'existe pas. Il n'est pas sage d'être modéré. Il est stupide d'être raisonnable. Car ce sont des voies de l'inexistence.



Développement


Thèse

Un jour de 186... je me promenais sur la falaise quand je croisais un japonais, qui préparait la guerre du Pacifique avec un peu d'avance. Il discutait avec William Blake, qui était passé par le centre de la terre et avait les vêtements imprégnés d'odeur de soufre. Ce dernier citait les proverbes de l'Enfer à son interlocuteur qui le comprenait fort bien.

"La Prudence est une vieille fille, riche et laide, courtisée par l'incapacité.
Celui qui désire mais n'agit pas engendre la pestilence. Le visage qui ne donne pas de lumière ne deviendra pas étoile.
L'Aigle ne perdit jamais autant de temps que lorsqu'il se résigna à écouter le corbeau. Les tigres de la colère sont plus que les chevaux de l'éducation.
You never know what is enough, unless you know what is more than enough.
Exuberance is beauty."

Le japonais avait reconnu en Blake un frère de sang, de ce sang souterrain qui abreuve les mondes les plus éloignés, et rend proche du lointain et étranger parmi les siens.



Développement


Antithèse :

"Mon nom est Yamamoto Tsunemoto. Je m'incline devant ton sang généreux.

La mort est l'essence de la Voie. (...) passé le pas de la porte, l'homme est parmi les morts. Si quelqu'un devait dire en quelques mots comment agir pour le bien, ce serait se préparer à endurer la souffrance. Il n'est rien de l'ordre du mal à ce qui peut être enduré.
Un homme attaché aux bonnes manières et au bon sens est incapable d'affronter le destin.

Le moment présent peut se réveler être le moment crucial, le moment crucial peut bien être le moment présent. Si en un instant ta vie se joue, alors tu dois être prêt à la jouer en un instant. A ce moment la pensée de la mort ne dois pas t'arrêter. C'est cela, l'entrainement à la mort. Vivant, il faut être mort pour tuer la peur.

Il n'y a rien de plus important, le moment venu, qu'un zèle fervent. La vie est faite de cette ferveur, ce feu qui se renouvelle à l'infini.

L'essence de la réflexion n'est pas la sagesse, mais le recul, la temporisation. L'homme doit préferer une attitude excessive à un comportement intelligent et discret. Il doit se monter excessif jusque dans son obstination. Lorsque la modération prévaut dans la réalisation d'une action, les conséquences risquent de se réveler totalement insuffisantes. (...) quand quelqu'un pense qu'il est allé trop loin, c'est qu'il ne s'est pas trompé.

Je ne sais comment vaincre les autres mais je sais comment me vaincre moi-même. La quête d'une vie ne connaît pas de fin. Un homme qui pense qu'il est arrivé est un homme malavisé. Si nous voulons découvrir le chemin de l'accomplissement, il nous faut continuer à penser que les résultats obtenus ne sont jamais totalement satisfaisants et continuer à explorer les pistes qui jalonnent notre vie.
La vérité ne se situe pas dans un endroit, mais dans la quête même de la vérité. "

William Blake écouta avec admiration ces citations du Hagakure. Le soleil se couchait derrière eux sur l'Océan.



Conclusion


synthèse :


Moi, christian Fletcher, je contemplais pensif leurs silhouettes hiératiques.

La pondération, la raison, la mesure, la prudence sont des vices de morts et de végétariens. Moi, Christian Fletcher, mutin de l'au delà, je me reconnu dans la haute flamme du Soleil qui se réflétait si puissament dans leurs personnes. Viva la muerte! leur dis-je, ce qui veut dire ici bonjour.
Je m'approchai et nous prîmes un thé au couchant en nous contant nos aventures

Puis ils partirent.





mercredi 4 juin 2008

Proclamation constitutionnelle d'Ür, le 4 Juin 17...





« Le représentant de la Mutinerie, sur la plage indéfinie d'Ür, informés de l'échec de la Révolution en France, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris de la vérité qui fonde le bonheur humain sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs.


L'ignorance et l'oubli de leur puissance est la seule source des malheurs actuels des hommes, qui viennent habiter en vain des îles ensoleillées pour des bonheurs toujours pressentis et toujours perdus, remplacés par les déchirements du pouvoir, de la richesse et de la mort.

Il proclame la présente déclaration qui est comme le miroir de la Déclaration des français de 1789, arrivée par le lent vol des vaisseaux qui s'égarent parmi les routes de la baleine.


Déclaration des dix mille demeures de l'homme,

ou du droit à la mutinerie.


« I

Ce qui peut être évoqué, dessiné de la main de l'artiste, posé par une opération logique, nommé par les mots de la tribu, tout cela est né et a accédé à l'être.


II

Car tout ce qui est n'est pas une chose et n'existe pas selon la modalité de la chose.


En effet qu'est ce qu'une chose? Une chose est une objet pour la conscience qui est objet selon les sens externes : vue, ouïe, toucher, odorat, goût. Par la conscience la chose est temporelle; par la vue la chose est spatiale. Une chose est un objet ayant aspect, capable de produire des sons, un toucher, un lieu, un temps, un nom, une production locale de signes, de plaisir, de déplaisir ou de rien, comme une méduse morte.

Toute la multiplicité essentielle chaotique de la chose-méduse, gluante, translucide, irritante,émettant au contact des bruits que j'échoue à décrire, puante, ici et maintenant, est focalisée, réunie en une représentation de la conscience, ce que Kant a appellé unité synthétique de l'aperception dans l'Esthétique transcendantale de la « Critique de la Raison Pure».

En elle même la chose apparaît donc comme éclatement kaléidoscopique involué en un objet de la conscience doté de coordonnées spatiotemporelles et d'aspects sensibles. La chose, en latin « res », existe comme réelle.

Vous devez pour votre survie comprendre, peuple d'Ür, que la ré-alité, le caractère d'être une chose, n'est pas la totalité de l'Être. Nous en donnons des exemples.


Tout ce qui est n'est pas une chose et n'existe pas selon la modalité de la chose.


Il y a tous les mondes possibles qui n'ont pas été vécus, des souffles légers comme des bulles de savon, qui se tissent parmi les mots et parmi les silences des personnes parlantes sous la voûte nocturne, même dans une foule.

Il y a les fleurs qui n'ont pas éclos, les fruits qui n'ont pas été cueuillis, les enfants qui n'ont pas grandi.

Les personnes qui auraient pu être, tout comme moi. Je suis comme étranger à ma vie, mon image étant un autre que moi, avec une autre vie.

Les personnes qui cherchent leur homme de destin.


Les îles imaginées, le grand Océan lactescent sous la Lune, nos pas dans le sable furtif. Les brèves lueurs des braises sous la cendre des mots vrillent l'oeil intérieur. Les paroles s'enroulent vers les étoiles au rythme secret de la rotation des sphères. Milliers, milliers et milliers d'étoiles de destin!


Les mondes s'évoquent dans le rougeoiment des mots. L'évocation du feu, l'imagination active du Verbe, est grâce, poiésis des mondes, et douleur âpre et grande gisant sous la cendre des mondes. Murènes se convulsant et se déchirant parmi les tripes. Grande et profitable douleur du porteur d'étincelle ! Il n'est rien de l'ordre du mal à ce qui peut être enduré.


C'est un adieu, un adieu de plus envers ceux que j'aime. Un adieu d'étranger du grand nulle part à sa maison de naissance, qu'il a encore entrevue et encore-déjà perdue.

Ce qui aurait pu être s'est montré et occulté dans les ténèbres de l'instant.

Déjà les marées effacent nos pas emmêlés. La mort naît à chaque instant, est l'ombre de chaque instant. Tout ce qui est trouvé est déjà perdu. Et l'ombre devient comme l'ombre des rochers sous la lune, l'ombre de la douleur et de l'angoisse. L'ombre de la mort qui suivait nos pas silencieux. La mort comme la mer, comme l'amour et la haine qui nous déchirent, montent vers nous avec certitude et enserrent notre seuil, nous emprisonnent sous le fanal hiératique de la Lune.

Des pas s'éloignent au loin dans l'obscurité. Tes pas que mon regard efface. Nous ne pouvions plus nous donner de grâces.

Cela était l'ombre de la joie, en dégustant les grâces données, car la dégustation est soeur du dégoût.

C'est la science du bonheur et du malheur. Malédiction et bénédiction. Et alors que les marées bientôt me couvrent et m'aspirent vers les abysses, je reste immobile et je pleure, comme un phare sur la mer, qui pleure au dessus des eaux.


Tout ce qui est n'est pas une chose et n'existe pas selon la modalité de la chose.


Les nombres sont, mais ne sont pas des choses. Les nombres sont, car leurs relations ne sont pas arbitraires, comme celles de fantômes purement imaginaires issus d'âmes en faillite morale. 2+2=4 n'est pas un rêve et se vérifie. Pourtant les nombres n'existent pas comme des choses.

Le nombre 3 par exemple n'a ni lieu ni temps ; ici,maintenant dans cette page, et dans les sérieux calculs d'un chef donné par la Providence pour notre évaluation, il est le même.

Le nombre 3 est tout à fait étranger à nos sens. Les notations « 3 » ou « III » ne sont pas le nombre 3, pas plus que la notation « chien » n'aboie, ne mord, ou ne console de la frustration sexuelle. Notez bien de plus que « chien » est propre et ne coûte rien.


Le nombre 3 n'est qu'absence comme réalité, et pourtant il est. Le nombre 3 est un objet de la conscience, comme les fantômes ou les démons. Les fantômes et les démons sont, sans être des choses. La sorcellerie, la démonologie, le déguisement sont des sciences.


Une relation ; une amitié, un amour invisible, un mariage sont, sans être des choses.


Il en est de même des personnes, dont l'objet corps est un masque, persona. Le corps d'un mort est l'objet qui était un constituant de la personne, ce que les anciens appellaient symboliquement « le départ de l'âme ». L'erreur fut de faire de l'âme une chose.

Une relation, comme un nombre, est, sans être une chose. Une personne est tissée de relations.


Un Etat est, sans être une chose. Une Patrie plus encore. Tissage de tissages : L'Etat est un tissage de relations de personnes. Les citoyens agissent en fonction de l'Etat, mais ils seraient bien en peine de le désigner du doigt ou de le toucher.


Ainsi un État autonome Imaginaire, comme Ür, doté d'une constitution, dont voici le prologue, d'un Code Civil, Pénal etc...d'un ministère de l'Education copié sur celui de la France, est sans être une chose, au moment même où il se proclame. C'est fait.



III

Nous proclamons Ür.

Ür est comme n'importe quel autre État.


IV

Le malheur des hommes est de limiter l'Être à la réalité, au réel. L'homme est fait de trois parties. Il a les pieds dans le réel, mais il vit aussi dans les multiples demeures où il accède autrement que par ses pieds.


L'homme moderne veut faire naître ces demeures au réel par la technique et construire le paradis terrestre par le travail forcé, la technique et la puissance.


V

Mais pour se faire obéir du réel, il faut obéir à ses Lois. Et c'est ainsi qu'en croyant se libérer du Réel, l'homme moderne s'y enferme toujours davantage.


Pourtant déjà les amitiés et les amours humaines dépassent toutes les choses que s'approprie vainement l'homme pour être heureux. Elles les dépassent en joie et en douleur, car qui veut la vie, l'âpre saveur de la vie, doit la jouer et risquer la douleur des déserts. Qui veut garder sa vie la perdra. L'accumulation des choses est sécurisante, les choses ne vous quittent pas. Mais elles ne vous choisissent pas, ne brûlent pas de vous, ne chantent pas de longues complaintes sous la Lune, sur les rivages des fleuves, en vôtre grâce. La personne que chante le poète devient immortelle en des demeures de parole. Qui a oublié Iseult la reine, Marguerite, ou les amours d'Apollinaire?


« Le Pont Mirabeau


Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

(...)
L'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

(...)

Choisir les choses est manquer de foi en le destin.


VI

    La certitude et la sécurité ne sont pas le critère d'une vie qui doit nous mener à une bonne mort. La certitude et la sécurité, comme la morale et la raison, sont des appréciations de valeur qui mènent à l'ensevelissement de la vie. Certitude, Sécurité, Raison, Morale, sont les idoles d'un monde désertique, une vallée sans issue de roches sombres où brûle le flamme noire de l'enfer.


Un monde sans eau pour l'âme qui a soif, sans rire et sans larmes. La vie est irresponsable, impitoyable et cruelle comme la brûlure du Soleil, vie au goût mêlé du sang des sacrifices et des roses. Vie des falaises hiératiques et vie des noyés tournoyant vers l'Abîme. La vie humaine dans sa dignité et sa splendeur , comme la mer, n'est pas le lieu des repos.


VII

L'Art et la Magie sont pour la vie et non pour les tombeaux. La meilleure poésie générale advient à l'existence dans la vie des personnes, et dans l'ensorcellement et la transfiguration des choses.


Les demeures de l'homme, les « modernes », ceux qui se nomment tels les appellent « culture » et en accumulent des choses dans des musées, musés des Arts premiers, primitifs, comme si l'accès aux dix mille demeures était une nécessité du passé, réservée aux sauvages. Comme si seule comptait la réalité de toutes ces choses disparates et non l'Être, les Anges très puissants dont ils sont ou étaient les signes et les supports dans la vie des personnes habitant leurs demeures. Les musées sont des tombeaux et des prisons. La littérature est soit vécue, soit spectacle, pauvreté essentielle, dénuement, qui cherche à se compenser et à se cacher à lui-même, comme une forme de pornographie.


Nous, mutins d'Ür, avons coupé les ponts avec l'Europe, pour proclamer la puissance de la Liberté que nous avons apprise en Europe dans les mots, et à Tahiti dans les faits. Les européens « réalistes » ont besoin d'une bonne cure de surréalisme, d'hyperréalisme, pour sortir des cimetières de choses figées, mortes, échouées, qu'ils ont apprises jusqu'au plus profond des os et les empêche de vivre enfin.


VIII

L'Imagination est l'organe de la liberté. La liberté est la négation du réel, et son acceptation entière comme ennemi, donc une lutte à mort. Vivre est mener cette lutte.


Car l'homme n'est pas seulement soumission pratique au réel, mais aussi par essence puissance d'Imagination, puissance de production d'être. L'homme est par essence le négatif du réel, et sa plus forte affirmation est la plus forte négation.de celui là. Ce qui fait du « réalisme » un mensonge mortel pour la vie humaine.


Les hommes réalistes sont des morts, sont comme ces centaines de soldats morts debouts, pris dans les glaces, vu la nuit sur le front de l'Est, à la lueur menaçante de la Lune.


Si nous sommes pris, nous aurons la corde.


IX

La lutte qui s'engage est une lutte à mort, mais seul ce qui est réel peut mourir. Fondée sur rien, notre cause ne peut être vaincue.